Slow rando
Marcher est un voyage
Hors de la vitesse, les imaginaires de la marche sont d'abord enfouis en soi avant de se décliner sous les pas. Marcher est un voyage.
La page de ce carnet est simplement publiée sous forme d'une suite de randonnées et de textes, sans aucun rapport direct entre eux. Cette suite constitue néanmoins une unité avec à la fois l'itinéraire d'une randonnée planifiée, soit un but qui la distingue d'une promenade, et l'esprit d'une réflexion qui ouvre à la marche modérée.
Lenteur ?
Il ne s'agit pas forcément de "marche douce". La modération de la vitesse n'est pas la caractéristique principale principale de la "marche douce", mais c'est la conscience - ou l'état de conscience modifié - qui en est constitutive.
A quel rythme ?
A quelle vitesse avancer ? Le rythme de notre marche, seul ou en groupe, est la somme de nos impatiences et impuissances. Comment trouver un rythme de marche ? La différence de rythme entre les personnes met une touche d'absurde dans l'admirable projet de la marche. Il catalyse les contradictions enfouies. Ralentir, accélérer, se reposer, repartir, quel que soit le mouvement, l'espace est une épreuve dont nous ne sortirons pas indemnes. Car il est aussi coûteux, aussi humiliant sans doute, pour le plus rapide d'avoir à freiner que pour le plus lent de devoir accélérer.
D'après Edith de la Héronnière - La ballade des pèlerins -
Mercure de France - pages 102-103
N'ayant jamais voyagé à pied, je me demande qui de la marche ou du chemin me pousse à ces constantes interrogations. La laideur ou le caractère insipide d'un tronçon se vit dans l'indifférence et s'efface pour laisser place au sentiment de beauté et de grandeur. Qui de la marche ou du chemin me rend réceptif aux détails qui m'entourent ?
Quand mon regard lassé des horizons vides se pose sur le sol en avant de mes pas, je peux satisfaire ma curiosité en observant un monde grouillant de vie. Mes enjambées de géant croisent, coupent et longent quantités de tracés plus peuplés que des autoroutes estivales les jours de grands départs. Fourmis et autres insectes s'activent avec une folle énergie le long de ces artères. Je profite parfois de la présence d'un muret ou d'une pierre plate pour m'arrêter et regarder. Depuis cet univers lilliputien, le chemin doit ressembler à un vaste désert. (...) Lorsque je relève la tête, perdant de vue ce monde miniature, je retrouve le gigantisme du décor ambiant qui se situe à une place intermédiaire et indéfinie entre les échelles des extrêmes.
Plus j'avance plus j'ai conscience d'une suite de perceptions sensorielles et mentales que je me contente de capter. Je ne suis pas en mesure de toutes les comprendre, ni de les analyser. Une accumulation trop grande de sensations nouvelles, une approche, une appréhension spécifique et abstraite des choses font appel aux facultés intuitives bien plus qu'à la logique discursive et aux mots. Entre pèlerins, embarqués dans la même aventure, nous avons du mal à exprimer par le langage ce que nous ressentons au fil des jours. Le climat de tolérance, de cordialité, d'harmonie qui règne tient sans doute au fait que nous sommes à l'écoute d'une même chose (...)
Jean-Yves Grégoire - Le Chemin des Etoiles
Rando éditions - pages 33-34
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